L’Europe, pas plus tard qu’en 2019, s’est donné un objectif : réduire de moitié ses émissions de CO2 d’ici à 2050. Pour y arriver, l’un des outils qu’elle met en place concerne directement le financement des entreprises.
C’est à l’étude de cet outil que se sont livrés, dans le cadre d’une conférence internationale organisée par le World Forum, Jan Noterdaem (Co-fondateur de CSR Europe), Madlen Sobkowiak (professeure associée à l’EDHEC Business School) et Vianney Mercherz (Responsable des pôles “Relations internationales – Diplomatie – Politiques” à Neo-Eco).
La transition sociétale et environnementale et ses enjeux
Quel est l’enjeu ? Il est clair : parvenir à une transition sociétale et environnementale. Dans ce cadre, le politique doit agir, et notamment agir pour unir, pour lier les acteurs afin de leur permettre d’échanger, et ainsi, contribuer à cet effort de transition.
C’est en ces termes que Jan Noterdaem entame son intervention, se fondant particulièrement sur l’activité de l’organisation dont il est le co-fondateur : CSR Europe.
Le but ? Unifier les entreprises, créer un réseau collaboratif entre elles. L’Europe, selon ses mots, ne manque pas d’esprit, mais elle a le talent de le gaspiller en ne l’utilisant pas. CSR Europe se propose donc de transformer ce continent en un véritable laboratoire collaboratif, proposant une déclinaison d’actions qui s’articulent autour de trois grands points :
- Accompagner les entreprises dans une refonte de leur organisation.
- Créer des plateformes d’action collaboratives.
- Engendrer un changement systémique et culturel susceptible d’influencer les législateurs européens.
Précisons encore : ce dont il s’agit, c’est d’encadrer un changement de valeur, de valoriser la transparence comme un outil de performance, et d’encourager une transition juste, génératrice d’égalité.
Ce dernier point mérite une attention particulière, dans un contexte où nombres de citoyens considèrent que le changement climatique risque d’augmenter ces inégalités, mais pas forcément comme on le pense…
À quand un plan Marshall ?
L’Europe agit. C’est en tout cas ce que le lancement du Green Deal en 2019, pacte vert dont l’ambition est triple : réduire les émissions de gaz à effets de serre de moitié d’ici à 2050, permettre une croissance économique dissociée de l’utilisation des ressources, et s’assurer que personne ne soit laissé sur le côté.
Comment compte-t-elle faire ? En élaborant d’abord une stratégie globale, basée sur une régulation des investissements de l’UE selon des critères de durabilité, ainsi qu’un plan de transition juste. Pour cela, la commission Von Der Leyen compte sur un budget alimenté par les États d’une part, et par des investissements d’autre part (venant des secteurs publics ou même privés).
Si l’UE tente de fixer un cadre de régulation des entreprises adapté et durable, la législation ne peut suffire, pointe alors Madlen Sobkowiak. L’UE se doit de penser une stratégie de soutien aux entreprises, afin de les accompagner dans leur transition.
Le problème est en effet qu’aujourd’hui, pour pouvoir obtenir ce soutien, les entrepreneurs doivent répondre à tout un ensemble de critères parfois déconnectés de la réalité vécue par les professionnels. Alors que l’UE doit apporter son soutien pour permettre la transition des entreprises, ce soutien est conditionné par la capacité des entreprises à se montrer plus durable. Or, si celles-ci ont besoin d’un accompagnement pour entamer cette démarche de durabilité, comment peuvent-elles prouver qu’elles sont engagées dans cette même démarche ?
Ces contraintes législatives posent la question du dialogue qui peut exister entre les acteurs de terrain, et les acteurs institutionnels. Certaines entreprises ont en effet besoin des financements que peut proposer l’UE, mais par manque de données, ces aides leur restent inaccessibles. De plus, même en parvenant à obtenir des soutiens, ceux-ci restent circonscrits et ne permettent pas de penser une modification structurelle des entreprises vers une démarche responsable.
Une double transition
Aujourd’hui, 7 personnes sur 10 affirment que le dérèglement climatique va augmenter les inégalités en Europe comme à l’extérieur. Face à ce constat alarmant, nous l’avons vu, des mesures sont à l’œuvre pour financer une transition, qui se doit de ne pas être qu’écologique. Ce que Jan met en avant, c’est que l’Europe peine à saisir la complexité du monde des entreprises. C’est précisément en ce sens qu’œuvre son initiative. Le réseau CSR Europe vise à replacer l’accent sur les hommes et les femmes en entreprise. Une certaine hypocrisie qui règne dans les institutions ne saurait être contrée que par une mise en exergue de l’individu, de l’humain, ce qui est au cœur du projet de Neo-Eco.
Selon Vianney Mercherz, cofondateur de l’entreprise, les sociétés doivent se réinventer en faveur de plus de justesse dans les actions et dans les interactions. L’entreprise Neo-Eco est spécialisée dans l’économie circulaire, ils ont travaillé en France, mais aussi dans des zones en crises, telles que l’Ukraine, le Liban ainsi que la Libye.
Neo-Eco est une entreprise qui aide à la reconstruction rapide dans ces zones de tension. Le message est écologique, avec, entre autre, une démarche de recyclage des matériaux locaux, mais il est aussi humain, apportant l’espoir aux populations locales. Vianney Mercherz confie que l’important est pour eux de rencontrer les populations locales, dans une expérience qui est avant tout humaine. En ce qui concerne les financements, en Ukraine par exemple, une partie des fonds sont donnés par la direction générale du trésor, une deuxième partie, dans le sud de l’Ukraine, résulte d’un don de l’Union européenne pour la ville. L’entreprise passe par la récupération d’un maximum de matériaux, pour ne pas arracher aux populations le peut qu’il reste de matière et de l’esprit du lieu.
Il s’agit en somme d’apporter quelque chose de nouveau sans enlever ce qu’il y avait avant. Il est crucial de ne pas oublier cette dimension d’écologie sociale, l’entreprise fait le pari de prendre en compte l’humain en face de nous, pour agir dans le respect de la personne. De ce projet, nous pouvons retenir la dimension écologique, duelle, non seulement environnementale, mais aussi sociale.
Chloé PIERRE et Eva Montford