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14A / Agir : la question alimentaire au cœur des préoccupations environnementales

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Les émissions de gaz à effets de serre liées à l’agriculture représentent 35% des émissions totales émises par l’Homme. Le domaine de l’agro-alimentaire est un des domaines les plus polluants et paradoxalement, les agriculteurs sont les premiers acteurs touchés par le changement climatique. Face à un horizon 2050 à plus de deux degrés, la question alimentaire est aujourd’hui au cœur des débats géopolitiques et environnementaux. Comment produire de manière plus responsable alors que la sécurité alimentaire grandit. Quel rôle peut avoir le consommateur et quels sont les leviers dont disposent les différentes industries en période d’inflation.

De la fourche à la fourchette, Juliette Delannoy, Sébastien Abis, Thierry Lebrun et Béatrice Javary nous exposent tour à tour la manière dont ils apportent leur pierre à l’édifice, les leviers qui s’offrent à eux et les limites liées à leur capacité d’action.

Géopolitique et souveraineté alimentaire 

Il y a une nécessité de résilience des systèmes alimentaires dans le contexte géopolitique instable actuel. Sébastien Abis, directeur du Club DEMETER, écosystème tourné vers les réflexions prospectives, les enjeux mondiaux et les dynamiques intersectorielles liées à l’agriculture, l’alimentation et le développement durable, affirme que l’enjeu lié à la sécurité alimentaire n’a jamais été aussi imminent qu’aujourd’hui. Alors que la population humaine croît, les contraintes liées à l’environnement et à la décarbonation imposent un changement radical de notre façon de produire, de consommer. “L’inflation alimentaire est une bonne nouvelle, car elle remet de la valeur à ce qui est vital et déclasse ce qui est superflu« , déclare le directeur de DEMETER. L’alimentation à prix bas n’a pas de sens face au changement climatique, au travail des producteurs. Le consommateur doit prendre conscience des enjeux planétaire liés aux questions alimentaires. “Nous devons comprendre qu’il est urgent de redonner du sens à l’alimentation.”

Il y a donc ce discours très fort sur la souveraineté alimentaire, mais il a en parallèle cette pression urgente de décarboner nos modes de production, est-ce qu’un agriculteur aujourd’hui peut combiner les deux ? “Réussir la transition écologique, c’est assurer la pérennité de nos agriculteurs et assurer la souveraineté alimentaire” affirme Thierry Lebrun, directeur Banque des transitions Crédit Agricole Nord. La question de la souveraineté alimentaire et de la transition écologique sont intrinsèquement liées. Produire de manière responsable, c’est assurer le futur de l’agriculture en France et donc la souveraineté alimentaire. Toutefois, pour revenir à l’échelle internationale, la situation mondiale ne permet pas à tous les pays d’être souverain sur le plan alimentaire et se pose donc la question des impacts inégalitaires causés par le changement climatique.

Approvisionnement et production responsable 

Afin de faire face aux changements imposés par l’urgence climatique, il est nécessaire pour les industriels d’évaluer les impacts de nos modes de consommation et de production. C’est à partir du traditionnel bilan carbone effectué tous les ans que l’entreprise Foodless, représentée par la responsable RSE Juliette Delannoy, établit son plan d’action. Devenue entreprise à mission en 2022, Foodless est l’exemple d’une entreprise qui s’impose de respecter des objectifs statutaires tels la défense d’une alimentation saine et durable, un achat responsable, la réduction de notre impact environnemental. Enfin, la responsable RSE, nous rappelle qu’il est possible d’allier croissance économique et développement durable comme le prouve la lutte contre le gaspillage.

Un levier collectif vers la transition durable

Pour les gros industriels comme Auchan, agir face au changement climatique passe par l’accompagnement des agriculteurs vers la réduction de leur empreinte environnementale. Le but est de faire participer le tissu agro-industriel vers la transition énergétique. À partir d’un constat collectif sur le bilan carbone des activités, différents leviers s’offrent aux acteurs. “L’amélioration des pratiques agricoles n’est pas une solution suffisante” affirme Béatrice Javary directrice RSE d’Auchan, “il faut voir dans les filières, en sortie d’exploitation afin de réduire 20 à 35 % des émissions”. Il faut aussi travailler sur les régimes alimentaires, refaire l’éducation populaire, réformer le rôle du consommateur. “Le client doit agir en tant que citoyen !

Ce qui se joue aujourd’hui c’est l’action collective, “il faut s’unir pour changer”, déclare Béatrice Javary. Il faut faire avancer le développement du collectif et la solidarité. En somme, “Il est temps de “mettre fin aux ‘trente glandeuses’” déclare Sébastien Abis.

La tâche complexe liée à l’accompagnement vers la transition écologique, la consommation responsable et la décarbonation de la production est de concilier nos aspirations environnementales à la logique de fin de mois des consommateurs. Il faut mobiliser nos collaborateurs, déclare la directrice RSE du groupe Auchan. Le changement ne peut passer que par une prise de conscience de nos responsabilités, des dimensions de la ressource humaine, de la transition de chacun dans nos métiers.  C’est au cœur des individus et au quotidien que la transition peut se faire.

Ainsi, la transition vers une économie responsable passe par une alimentation durable. Cet enjeu planétaire doit être la préoccupation de tous les acteurs sociétaux.  De la fourche à la fourchette, les différents intervenants nous ont livrés les enjeux sociétaux liés à ce pari, ainsi que les leviers collectifs qui sont à la disposition des industriels et des consommateurs sur le chemin d’un mode de vie responsable.

Claire Domecq-Cazaux