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13A / Raphaëlle Haccart : l’art et la permaculture institutionnelle

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Directrice du développement du Palais de Tokyo, Raphaëlle Haccart a en charge les événements privés, le sponsoring et le mécénat. 

Pour changer de modèle, il faut innover, et quoi de mieux que la culture pour entraîner vers derrière soi ? C’est la conviction de Raphaëlle Haccart qui a mis en œuvre un programme de mécénat innovant pour soutenir la transition du Palais de Tokyo vers des pratiques de travail plus durables. 

On parle souvent aujourd’hui des problèmes liés à l’utilisation des œuvres d’art dans des buts politiques. Comment gérez-vous cette problématique dans le cadre de votre activité ?

C’est vrai que l’art aujourd’hui est utilisé pour lancer des signaux d’alerte forts concernant l’état de la planète et pour véhiculer une urgence à agir. Il n’est pas du tout question de contrôler tous ces signaux. En revanche, nous, notre responsabilité, elle va être de pouvoir agir à un double niveau : sur le brain print et sur le foot print. Nous faisons aussi partie du problème, nous avons une responsabilité que nous devons assumer. C’est pourquoi nous nous investissons : d’abord en proposant une programmation artistique qui résonne avec les enjeux de société, mais aussi en portant une responsabilité en tant qu’institution, en modifiant notre système d’organisation. On a pu évoquer l’idée de permaculture institutionnelle que nous avons déclinée en grands principes et qui nous accompagne dans un fonctionnement plus écologique. On agit en parallèle sur notre traçabilité, sur une question d’impact. Et c’est là que nous travaillons avec des entreprises comme Utopie, qui nous a fait un bilan carbone, grâce auquel nous arrivons à élaborer une stratégie climat.

Vous travaillez dans le domaine de l’art, mais établissez-vous aussi des collaborations avec d’autres institutions, d’autres milieux tels que les milieux sportifs ou éducatifs ?

Absolument. C’est un des piliers de la permaculture, du travail en écosystème. Ce travail ne se limite pas au secteur culturel et aux autres institutions culturelles. Il est beaucoup plus large et on a un réseau d’acteurs qui est extrêmement multiple au Palais de Tokyo. Sur le volet de la médiation, nous travaillons avec énormément d’associations du champ social pour pouvoir proposer une offre spécifique à un public toujours plus large. Que ce soit dans le secteur culturel, dans le champ social et aussi enfin de mon côté, en tant que directrice du développement, dans le secteur privé, nous créons des relations de partenariat qui sont considérés comme une vraie mine de travail. Je prends l’exemple du Palais durable. Ce programme de mécénat inédit, qui utilise la coopération pour amorcer une transition du Palais, fait appel à l’expertise des entreprises pour pouvoir apporter une réelle transformation.

Entrez-vous en dialogue avec des acteurs plus institutionnels pour trouver les artistes qui aimeraient s’investir sur ces questions de durabilité ou les artistes viennent-ils eux-mêmes s’adresser à vous pour entrer dans cette dynamique ?

Alors oui, il y a d’abord un fonctionnement interne au Palais de Tokyo lié au comité scientifique du curateur. Donc ce sont les commissaires des expositions qui, eux, ont la responsabilité d’être à l’écoute du paysage culturel français, d’être à l’écoute de toutes les demandes de programmation artistique qui peuvent nous arriver, et de travailler avec les artistes à une programmation. Mais nous ne réfléchissons pas tout seul. Nous faisons aussi appel à des personnalités externes. On s’est fait un comité scientifique pour notre programme de médiation de façon à pouvoir répondre au public le plus large possible. Nous sommes donc en lien avec tout notre écosystème culturel et toutes les autres institutions, par exemple ici dans le Nord, avec le Lam Plus. Nous gardons toujours en ligne de mire une logique de dialogue, d’interaction, et c’est de là que peut naitre une émotion susceptible de nous entrainer dans une transition écologique et solidaire.

Propos recueillis par Eva Montford