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11A / Nathalie Bastianelli : le rôle de la consommation et de la cohésion internationale dans une transition verte

Entretien avec Nathalie Bastianelli, fondatrice et PDG de l’ONG WeBelongToChange, qui aborde l’impact écologique des Jeux Olympiques et Paralympiques, la montée en puissance des influenceurs et la place de la Chine dans la transition verte.

En créant WeBelongToChange, Nathalie Bastianelli a voulu promouvoir une consommation responsable et consciente en Chine. Forte de son expérience en marketing et en développement durable, elle pousse une nouvelle vision de l’effort vers un monde du commerce plus respectueux de la planète.

Vous étiez en Chine lors des Jeux Olympiques de 2008, et avez pris conscience des problèmes liés à la pollution là-bas. À l’approche des Jeux de 2024, pensez-vous que les organisateurs ont bien pris en compte l’aspect écologique de la réalisation des jeux ? Comment peut-on en organiser dans le respect de l’écologie ?

Alors, je crois que les Jeux de Paris se veulent les plus verts qui n’ont jamais existé. Donc, à chaque fois qu’on a les Olympiques, c’est un petit peu maintenant le motto de la ville organisatrice [d’être verte]. Donc, je pense qu’il y a beaucoup de progrès à faire. Est-ce qu’on peut, probablement, regarder ce que fait le comité d’organisation, est-ce qu’on peut encore rester sur ce modèle, construire des stades comme à Rio, alors qu’il y avait la pauvreté juste à côté ? Ces stades sont désormais vides. Donc, je pense qu’il faut repenser ces grands évènements internationaux. En tout cas, c’est mon avis.

Vous avez également une expérience dans le marketing, et la fondation que vous avez créée vise à promouvoir la consommation responsable. Pensez-vous que l’essor récent des influenceurs (et la surconsommation qu’ils ont permise) soit un obstacle à la transition écologique ? Ou bien peuvent-ils utiliser cette influence à bon escient ? Est-ce qu’il y a un avenir pour les influenceurs “verts” ?

Alors, il y en a, mais il y en a très peu [d’influenceurs verts], puisque le modèle économique des influenceurs, c’est : plus je fais vendre de produits d’une entreprise, plus je perçois des revenus. Donc, c’est vrai que c’est un peu schizophrénique. Maintenant, pour promouvoir une consommation de produits verts, je crois qu’il faut vraiment aller sur une sobriété heureuse, et au contraire montrer que la consommation n’apporte pas le bonheur ni le bien-être. Nos sociétés ont totalement échoué sur ce sujet. Je pense que les influenceurs, finalement, représentent un manque de conscience de la population qui fait que pour l’instant, ils ont encore l’impression de devenir plus heureux en consommant. Ça va prendre du temps, mais c’est déjà en train de se passer, le confinement a beaucoup aidé sur l’ouverture de conscience. Donc, on voit quand même des changements, et il faut effectivement garder espoir.

Alors, pour vous, le fait de promouvoir une consommation, c’est un peu un oxymore ?

On est obligé de consommer, c’est-à-dire qu’on est obligés de se nourrir et de se vêtir. Mais l’idée, c’est d’acheter une marque qui coûte plus cher, qui va durer plus longtemps, avec un modèle de fabrication qui respecte l’environnement. Les gens ont peur de la contrainte, ils ont peur du mouvement zéro déchet. Mais le fait d’être dans les peurs, ça n’apporte rien, c’est juste un autre modèle, une autre vision de comment je passe et je consomme mon temps, et on peut être plus dans le partage, vivre des moments. C’est tout un changement de modèle.

Enfin, comme vous le mentionnez dans votre livre “Quand la Chine s’éveille verte”, la Chine a innové et utilisé la technologie pour répondre au besoin très visible d’une transition écologique. Quelle est, selon vous, la chose la plus importante que la France puisse apprendre d’eux dans ce processus ?

Alors, oui, j’ai parlé de technologie, mais ce processus n’est pas que dans le modèle technologique, la Chine le fait quand elle en a besoin, notamment pour les énergies renouvelables, ou pour des grandes entreprises dans la construction. Mais, quand j’ai parlé de cette grande campagne pour appeler les consommateurs à manger moins de viande (lors de la conférence), ça peut avoir de l’impact parce que si vous avez 1,4 milliard de Chinois qui consomment de la viande comme un Européen ou comme un Américain, c’est une catastrophe environnementale. Donc, pourquoi nos gouvernements n’appelleraient pas les Français à consommer moins de viande ?

La Chine, le gouvernement et le président chinois, ont lancé une campagne qui s’appelle “Finissez vos assiettes” pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Le gaspillage alimentaire des villes chinoises, ça permettrait de nourrir la Corée du Sud pendant un an. Donc, cette campagne est très utile. Il y a des sanctions, et des restaurants ont été appelés à s’impliquer. On pourrait faire la même chose en France. Il y a plein de choses qui peuvent être appliquées, en se disant : mais oui, le gaspillage alimentaire, c’est dramatique. Il faudrait que ça cesse. Donc, communiquons, expliquons, sensibilisons, mais on peut aussi être dans la joie, dans le fait de se réjouir d’être dans un élan positif et non pas dans la sanction.

Par Céilí Boudignon