Le grand débat RSE en est à sa deuxième édition. Initié par l’Université Catholique de Lille et implémentée pour la première fois au format du World Forum, l’idée d’origine est de donner la parole aux étudiants, mais pas uniquement.
Oui, car il s’agit également de produire un temps de réflexion commune entre étudiants, enseignants-chercheurs et entreprise. Il faut que ce grand débat soit coconstruit. Il faut donner la parole à tout le monde, proposer aux acteurs d’amener leurs sujets de discussion.
Sens du travail, sens des études
Dans le traitement de ce sujet, au cours du premier temps de cette table ronde, nous avons essayé de centrer nos échanges sur la problématique suivante : comment faire cohabiter utopies, esprits critiques et action au sein de l’entreprise ?
Ce vaste sujet implique de penser la notion même du mot « sens ». On voit aujourd’hui la méfiance des jeunes générations par rapport aux incohérences, les écarts entre l’intention et la réalité dans les mesures de transition, les écarts entre l’urgence et le temps de la mise en place des mesures. Est-ce qu’on met tout le même sens dans ce dont nous parlons ?
Est-ce qu’au sein des entreprises très engagées, on trouve une vraie conscience ? Les étudiants répondent à cela qu’il existe un réel besoin d’action collective, au-delà des actions individuelles. Il faut créer de vrais groupes engagés dans les entreprises.
Comment passer de la parole à de vraies actions significative ? Paola Fabiani, vice-présidente du Mouvement des Entreprises de France, déclare que “60% des jeunes sont prêts à être moins payés si ce travail respecte leurs valeurs.” Cela implique une nouvelle quête de sens chez les jeunes, en recherche d’un travail qui soit en corrélation avec leurs aspirations et leurs convictions, au-delà de simples critères de rémunération.
Certains étudiants considèrent que l’entreprise ne brandit l’argument de la transition qu’en simple argument commercial. Avant d’entrer dans une entreprise, il faut identifier la mission qu’elle se donne : dans le cas de la SNCF, Tristan Michel de la Morvonnais, directeur de la transformation et des engagements sociétaux, évoque l’objectif de l’entreprise : “Agir pour une société en mouvement, solidaire et durable”.
Il ne s’agit pas seulement de repenser le sens au travail, mais bel et bien le sens du travail dans la vie des nouvelles générations.
La question du sens est un double volet : il s’agit de se demander où on va, mais aussi comment on y va ? Dans quelle direction on veut aller ? Cela implique de discuter des valeurs qui nous animent.
Dans le cadre de la discussion, le rapport à la peur fait débat, les conséquences de la peur des phénomènes environnementaux et des menaces sur les écosystèmes méritent cependant d’être posées. La peur peut-elle aider à lutter, pousser à l’action ? Ou bien risque-t-elle de nous paralyser ?
Les gens ont peur, car on met trop en avant les problèmes et pas assez les solutions. Si on a un sentiment d’impuissance passée la prise de conscience, il vient du fait qu’on ne nous présente pas de solution envisageable en face, car on ne vit pas dans un monde qui les permet. La peur, il faut l’accepter, elle est paralysante lorsqu’on n’entrevoit pas de perspective.
Certaines idées clés vis-à-vis de la question ont finalement été énoncées : en premier lieu, il faut apprendre du réel pour définir l’utopie. L’utopie ne sort pas de nulle part, elle s’inscrit dans notre façon de penser et de faire société. D’où la nécessité d’avoir des personnes utopistes dans les cercles de décision.
Par ailleurs, le débat qui doit naître dans les entreprises doit être basé sur deux angles complémentaires :
- Une communication basée sur des faits, pour que les gens comprennent.
- Mais aussi sur le levier émotionnel pour que les gens entendent.
Les deux aspects sont cruciaux pour forger respectivement le sens critique et l’utopie. Les données nourrissent le sens critique, pour envisager des mesures et des applications concrètes, et l’émotion, celle qui nous prend au cœur, pousse à l’action. On ne peut se passer de l’un des deux pour avoir un dialogue exhaustif et constructif.
Par ailleurs, nous avons mis en avant l’idée que la quête de sens n’est pas unique, mais multiple. Aujourd’hui, les questions de transitions concernent une grande majorité des domaines de nos sociétés. Il peut alors s’agir de rejoindre un corps de métier qui nous anime, et de trouver comment implémenter dans ce contexte des éléments de transition. En effet, il n’y a pas que des milieux verts, mais il n’y a en revanche que des milieux à ‘verdir’.
L’homme au service et au cœur du vivant : l’émerveillement à la nature
Quand vous êtes-vous émerveillés devant la nature pour la dernière fois ? Voilà la question posée lors de cette table ronde. Nous avons échangé sur cette question et nous nous sommes tous rendus compte que la dernière fois que nous nous sommes émerveillés devant la nature n’était pas plus tard que ce matin “la lumière du matin”, “les arbres en automne”, “une plante qui pousse dans le bitume”, “une abeille qui vole”. Autant d’éléments qui peuvent sembler insignifiants voir peu intéressants, mais ce sont ces éléments de la nature qui nous procurent un sentiment de paix, d’apaisement.
Dès lors, face à “l’extinction de l’émerveillement à la nature” pour changer de regard sur celle-ci, il faut établir un contact, créer un lien et adopter une approche sensible.
Ce nouveau lien à la nature passe dans un premier temps par la sensibilisation et dans un second temps par l’éducation. Dans la société de l’urgence dans laquelle nous vivons, nous nous sommes mis d’accord sur le besoin de “prendre son temps” pour admirer la nature. Deux motivations se complèteront alors : se reconnecter pour la nature et pour nous. L’envie de se battre conduira à faire pression et à encourager un cercle vertueux, une évolution des mentalités et la mise en place de politiques concrètes vis-à-vis du vivant. Terminons sur une douce note, signée du botaniste Francis Hallé : “On ne défend bien que ce que l’on a appris à aimer”. Alors, aimons le vivant pour mieux le défendre.
Leela Nedelec et Chloé Pierre