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La finance, actrice-clé de la transition

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C’est lors de la conférence portant sur le rôle de chacun dans le financement de la transition que Grégory Sanson, président de Lille Place Financière, accueille Cécile Cabanis et Ludovic Subran. 

Trois tables se font face : chacun va pouvoir parler pendant une vingtaine de minute avant de discuter avec l’audience en mode hybride (en présentiel mais aussi en distanciel !). Cécile Cabanis est l’ancienne numéro deux de Danone, première entreprise à mission du CAC40. Elle est l’actuelle directrice générale adjointe de la société d’investissement Tikehau Capital. Elle est désignée « Femme du développement durable » en 2020 lors des Trophées des Femmes de l’Industrie organisés par l’Usine Nouvelle. Ludovic Subran, chef économiste du groupe Allianz et chercheur en macro-économie, est quant à lui classé dans le top 100 des leaders français de demain par l’Institut Choiseul et Le Figaro.

Un manque de connaissances et d’informations

Ludovic Subran ouvre le bal avec « l’illettrisme climatique ». Selon lui, il subsiste un manque de connaissances du grand public à propos du réchauffement climatique et des solutions à notre portée : « Une personne sur trois y comprend à peu près quelque chose, on est très loin du niveau d’information dont on a besoin pour opérer ces changements ». Ces méconnaissances se retrouvent également dans le secteur financier. Il invite toute l’audience à s’informer, à s’intéresser et à échanger. Il revendique le besoin de rester humble sur nos connaissances et surtout sur nos non-connaissances. 

De même, Cécile Cabanis déplore ce manque de connaissance. Son expérience chez Danone lui a appris que les consommateurs étaient déconnectés de leur alimentation. Ce manque se fait ressentir et s’agrandit d’autant plus avec les médias sociaux abordant autant de sujets que l’on connait et avec lesquels nous sommes en accord : « On a un niveau d’information et de communication extrêmement hétérogène ».

L’importance du collectif 

L’une des premières phrases prononcées par Ludovic Subran est : « On est tous acteur du changement ». Cela implique une responsabilité générationnelle et collective au sein du réchauffement climatique. Il éprouve un fort désir de coopération : « Tout le monde doit aller vers une forme de verdissement », soutient le chercheur. Ensuite, il met en avant l’importance du social dans la transition économique et écologique. « On parle aujourd’hui de transition juste pour éviter que les perdants soient toujours les mêmes », explique Ludovic Subran. C’est à dire qu’il faut gérer l’hétérogénéité des effets. 

Selon Cécile Cabanis, la transition est difficile justement parce qu’elle est collective. Cela implique des intérêts contradictoires et donc la nécessité d’aligner les intérêts, ce qui complique encore le sujet. Néanmoins, la diversité est bonne puisqu’elle fait grandir : l’innovation et la société peuvent évoluer grâce à la variété des profils. Cécile cabanis met en avant le caractère collectif de l’état de santé de la planète. Chacun a son rôle à jouer et « la finance doit aiguiller pour financer la transformation ».  Il faut que les parties prenantes comme les consommateurs, fournisseurs mais aussi actionnaires prennent conscience de leurs rôles. Pour cela, Cécile Cabanis pointe le besoin d’outils et notamment de mesures : « Ce qu’on ne mesure pas, on ne le gère pas, donc on ne culpabilise pas ». 

Mais avec quels outils ?

Selon Cécile Cabanis, la mesure est utile si elle est pertinente, comparable et permet d’éclairer des questions d’investissement. Des progrès sont à faire, mais elle affirme que nous sommes sur la bonne voie. Bonne nouvelle ! Après la mesure, l’experte continue en nous expliquant le besoin d’engagement. En effet, il faut gérer les impacts directs, certes, mais aussi indirects. La relation avec le fournisseur change puisqu’il faut maintenant partager de la donnée et être sur des relations de long-terme. Ensuite, les intérêts doivent être alignés : le collectif fait que l’on se retrouve face à une multitude d’intérêts. Néanmoins, lorsque l’on donne des bonus, le collectif change. Pour Cécile Cabanis, « on aura gagné quand on aura arrêté d’en parler ». Chaque acteur doit penser en termes de RSE, à tous les niveaux de l’entreprise et de la société. À terme, il faut donc progresser sur la mesure et créer des mécanismes plus simples et homogènes, à la portée de toutes et tous. 

Ludovic Subran défend quant à lui l’importance des politiques publiques : elles jouent un rôle majeur dans la transition en ce qui concerne la régulation, la fiscalité, le choix de politiques industrielles mais aussi la création de marché du carbone par exemple. La transition énergétique doit se faire entre le public et le privé. Ludovic Subran nous en apprend plus à l’occasion de l’une des questions portant sur ledit marché. Selon lui, il faudrait clarifier sa certification en Europe pour le rendre plus profond et pour que le prix reflète la réalité des émissions carbones et des besoins pour les entreprises qui doivent compenser. Son idéal ? Un marché carbone mondial, mais chaque pays ayant une vision différente de la décarbonation,encore faut-il accorder nos violons.

En somme, opérer la décarbonation des entreprises ne peut se faire en un jour, et nécessite une concertation de tous les acteurs de notre société, pour que chacun puisse jouer son rôle dans la construction d’un marché commun régulé, mesuré, et plus vert. 

Lucie LERNOULD