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Un financement responsable au service du développement durable

Le système financier tel que nous le connaissons aujourd’hui est voué à se transformer. La crise que nous traversons questionne la résilience du modèle actuel. Dans cette perspective, quatre intervenants nous éclairent sur les enjeux de l’investissement responsable. Cette conférence est modérée par Pierre-Yves Sanchis, fondateur de Youmatter France, et invite Léo Lemordant, co-fondateur et président d’ENERFIP France ; Éric Felten, directeur général adjoint au Crédit Agricole nord de France ; Jean-Guillaume Peladan directeur de la stratégie environnement chez Sycomore Asset Management France et Thierry Dujardin, directeur général de l’IRD. Les intervenants nous livrent un état des lieux de l’investissement responsable afin de réfléchir au rôle que peuvent jouer les acteurs de la finance dans la transition vers une économie plus responsable et inclusive. 

 

Une prise de conscience collective 

  Tous les intervenants s’accordent pour dire qu’une demande exponentielle d’investissement responsable a vu le jour. Une prise de conscience collective s’opère progressivement, d’abord via des initiatives étatiques (Accords de paris, Green New Deal…) puis par la mobilisation d’acteurs substantiels : entreprises et citoyens engagés. Cependant, si beaucoup se disent prêt à investir dans des projets responsables, peu le fond réellement. Comme l’illustre Thierry Dujardin, 90% des épargnants souhaitent réaliser de tels investissement, mais seulement 5% l’ont fait. La marge de manœuvre est donc considérable. Les intervenants insistent sur l’effort de vulgarisation et de pédagogie qui doit être réalisé auprès des épargnants et des conseillers bancaires. Ceci dans le but louable de rendre l’investissement responsable plus accessible et compréhensible par tous.

 

 « Donner du temps au temps »

Le paradigme d’hier d’un investissement financier basé sur une rentabilité à court terme semble devenir progressivement obsolète. En effet, s’il ressort une notion importante de cet échange c’est bel et bien celle de la temporalité. L’investissement classique, rentable à court terme, perd de son ampleur au profit d’investissements responsables issus de projets favorables à la RSE. Cette notion de performance immédiate est néanmoins encore présente dans nos pratiques financières. Il donc faut s’en détacher. Les parties prenantes doivent aussi comprendre qu’une transition prend du temps. Lors d’investissements responsables, les rendements financiers viendront, certes, sur le long terme. Mais le caractère perrin du projet financé favorisera une économie plus responsable et inclusive. Ceci témoigne de la nécessité d’appréhender d’autres notions que celles des rendements. La génération de la valeur, à terme, ne sera pas seulement financières car il faut aussi prendre en compte les externalités positives. Thierry Dujardin et Éric Felten donnent l’exemple d’un projet dans le secteur du bois torréfié, sur lequel ils travaillent ensemble depuis plusieurs années. Cet investissement dans la torréfaction, pour remplacer le charbon, est un processus innovant au cœur du territoire des Hauts de France. Ce projet risqué à l’investissement a été réalisable grâce à l’échange et la coopération des différents acteurs financiers. 

 

Cohésion des acteurs et ancrage territorial : la recette gagnante

Pour Léo Lemordant un ancrage territorial est indispensable. Sur le terrain tous les acteurs doivent être mobilisés et un dialogue doit être instauré. L’investissement responsable est, de facto, conditionné par la confiance des épargnants et par les projets responsables initiés par les entreprises. Enfin, il dépend de la formation et de la sensibilisation des différents acteurs à ces thématiques. Éric Felten souligne que la structure de gouvernance complémentaire du Crédit Agricole et son assise territoriale permettent l’instauration d’un dialogue, à l’instar de la mise en place d’un questionnaire dans les caisses régionales des Hauts de France.

 

La transparence des critères de sélections des projets, les labels ainsi qu’une réglementation explicite sont primordiaux pour instaurer une relation de confiance avec les investisseurs. Ces derniers aspects sont perfectibles et doivent donc être améliorés. Pour Jean-Guillaume Peladan, beaucoup reste à faire, l’opacité des entreprises, des clients, la taxonomie et le label ISR (outil pour choisir des placements responsables et durables) aujourd’hui trop binaire, doivent être complétés. La clé de leur amélioration réside dans la standardisation d’objet normatif comme la taxonomie. 

In fine, l’investissement responsable a vocation à se développer, pour, nous l’espérons, devenir la norme. Cette conférence se conclut sur les mots de Jean-Guillaume Peladan. Selon lui, une avancée aura réellement été opérée dans le secteur financier « si à la prochaine table ronde on ne parle plus d’Investissements responsables mais d’investissements tout court. » Alors, rendez-vous à la prochaine édition du World Forum !

 

Romane PETIT