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Gouvernance éthique…Ou la recherche d’une confiance

Selon Benjamin Grange, directeur général de Dentsu Consulting, « la confiance n’est pas quelque chose qui se décrète, elle se construit dans le temps ». Cette question est devenue un enjeu majeur au sein de nos sociétés. En effet, la crise sanitaire a fortement impacté le rapport entre l’individu et le collectif, la sensation du manque de sécurité ainsi que la relation à l’entreprise. 

La prise en compte des défis environnementaux et sociaux est aujourd’hui claire dans les consciences citoyennes. Ainsi, l’acte d’achat n’est plus vu comme un acte anodin selon Alexandre Malafaye, président fondateur SYNOPIA France. Les individus se sentent plus responsables lors de leurs achats et privilégient donc les produits naturels, locaux, ou éthiques. 

Face à la nécessité de faire renaitre ce lien de confiance, quatre éléments sont nécessaires ; la sincérité, la cohérence, l’écoute et l’expérience partagée. Autant d’éléments que les entreprises doivent réincorporer dans leur gouvernance, tandis qu’il est plus que jamais nécessaire de repenser leurs liens avec les citoyens. 

 

Le dialogue comme leitmotiv des entreprises 

Pour M. Jean-Claude Mailly, ancien secrétaire général et vice-président force ouvrière et SYNOPIA France, la crise sanitaire a permis de redécouvrir la nécessité du dialogue social entre les pouvoirs publics, les entreprises et les salariés. Ce dialogue permet d’instaurer une relation de confiance, de respect et, de fait, d’assurer la pérennité des entreprises. La Loi Pacte permet déjà à ces dernières d’intégrer la notion de « raison d’être », qui est, pour Benjamin Grange, au cœur de la transformation sociale et environnementale des entreprises. En effet, celles faisant la démarche honnête de trouver cette raison d’être peuvent acquérir certains bénéfices ; une raison d’être partagée par plusieurs sera gage de paix lors des phases de négociations et il sera ainsi plus facile de mener à bien leur transition.  Il serait possible de passer d’une « culture de conflit à une culture de co-construction » tel que le formule M. Jean-Claude Mailly. Pour lui, la négociation ne doit plus être un rapport de force mais un espace de respect et de compromis.

 

L’inclusion de chaque acteur aujourd’hui nécessaire 

Mais pour les intervenants, il faut aller plus loin. Les entreprises ont un rôle majeur à jouer afin de gagner à nouveau la confiance des consommateurs. Face à des sociétés qui ont évolué plus rapidement que les structures et entreprises, il est désormais vital d’intégrer les parties prenantes à chaque phase de leurs processus. En faisant cela, les entreprises pourront rétablir le lien de confiance tant recherché avec les consommateurs et bénéficier d’une performance responsable. Un impératif de bonnes pratiques incombe les dirigeants s’ils veulent instaurer un tel climat. Cette exemplarité et cette sincérité sont nécessaires afin de passer d’un « management d’autorité à un management de leadership » selon Benjamin Grange. Le nouveau profil des entreprises ? Être lisible, authentique, compréhensible et sincère. La traditionnelle caractéristique de la recherche du profit doit donc s’articuler avec la responsabilité et un nouveau mode de gouvernance global. Selon M. Alexandre Malafaye, « Seules les entreprises les plus éthiques survivront ». Ce dernier a créé l’indice de la performance responsable de l’entreprise afin de permettre à ces dernières de mesurer leur transformation.

Philippe Perrault, président du pôle IARD et vice-président du groupe MACIF France, donne l’exemple des mutuelles pour montrer qu’elles essaient de concilier la performance économique et les besoins des parties prenantes. La MACIF a développé une éthique mutualiste qui permet d’assurer une gouvernance incluant les représentants des sociétaires. Leur raison d’être les incite à prendre en considérations les attentes des sociétaires, de leurs élus, des salariés et de la société elle-même. Ce modèle pourrait s’appliquer à des entreprises classiques tant que le dialogue, l’intégration des parties prenantes et le partage d’expérience ont lieu. 

 

Un management 2.0 au service de la RSE

Ce nouveau mode de gouvernance global est en parti guidé par l’éthique et par de nouveaux modes de management. Bien que bouleversée par la crise sanitaire, la structure du management est déterminante dans l’organisation de nouveaux modes de travail. La tendance actuelle d’une gouvernance plus horizontale et moins hiérarchique permet de renforcer le lien entre entreprises et citoyens. Des techniques plus responsables se développent et deviennent peu à peu le nouveau paradigme au sein des entreprises. Pour Agathe Saint-Jean, membre du cabinet A2 Consulting, la RSE est un tremplin vers l’aboutissement de convictions économiques, environnementales et sociales profondes. La mise en place d’écogestes, de bilans carbones, de travaux intelligents résulte d’un engagement sincère auquel les jeunes générations aspirent. Ces derniers font preuve, selon M. Alexandre Malafaye, d’une maturité qu’il faut intégrer dans les organes de gouvernances car ils permettraient d’apporter un regard nouveau sur certaines problématiques. 

La crise sanitaire doit avoir un effet d’accélérateur pour les entreprises, qui ont l’opportunité de jouer un rôle majeur en exerçant mieux leurs responsabilités. Les transformations dont elles feront l’objet seront non seulement portées par les Etats mais également les consommateurs, les salariés et les nouvelles générations. Les entreprises doivent avoir la capacité d’anticiper et être fortes de propositions et s’engager dans la sincérité, l’authenticité afin de retrouver la confiance des consommateurs.  Ce n’est qu’une fois ces engagements atteints et transposés au niveau européen, que des avancées significatives au niveau communautaire auront lieu. La transition vers un monde plus durable, aujourd’hui portée par la société civile, doit être menée par les entreprises. C’est en changeant leur mode de gouvernance que ces dernières parviendront à sauver la dernière chance. 

 

Ninon Paulissen