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Concilier sens et croissance : oui, c’est possible

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20A – Le Pouvoir de la raison d’être ou comment faire rimer sens et croissance

 

L’ère du « time is money » semble aujourd’hui révolue. Au vu de l’évolution actuelle de l’attente des consommateurs, « une entreprise basée sur un modèle classique d’enrichissement ne pourra plus perdurer dans le temps » remarque Mark Lung, fondateur de l’entreprise Eco2librium.

Travailler dans une entreprise qui se contente de réduire ses impacts négatifs sur la nature n’est plus satisfaisant. Les individus ont désormais plus de volonté à s’engager dans des entreprises qui vont chercher à générer des impacts positifs sur ce qui les entoure.

Lorsque les gouvernements et les ONG ne sont pas en mesure d’améliorer la qualité de vie de tous, les entreprises sont les acteurs à solliciter. Tels des super-héros, les entreprises peuvent utiliser leurs pouvoirs pour transformer le monde. Gérer la puissance de l’argent et de la créativité humaine fait partie des outils à mettre au service du bien commun et de la résolution des problèmes.

 

© Maxime Dufour Photographies

 

Lors de la conférence, trois invités sont venus témoigner pour prouver que s’investir pour le bien commun ne va pas à l’encontre de la réalisation de bénéfices : Mark Lung, fondateur d’Eco2librium (Kenya), Shainoor Khoja, directrice générale de Roshan Community (Afghanistan) et Gabriel d’Harcourt, directeur général délégué de La Voix du Nord.

Eco2librium et Roshan sont labélisées B Corp et font partie des entreprises les mieux notées de l’ensemble du réseau mondial. Eco2librium est à la première place du classement mondial avec une note de 180 points sur 200. Une note supérieure à 80 est nécessaire pour obtenir le label. À titre indicatif : Patagonia a un score de 121 points.

 

Mark Lung nous a tout d’abord présenté son entreprise basée au Kenya. Ecolibrium cherche des solutions commerciales pour résoudre les problèmes sociaux et environnementaux. La firme entreprend essentiellement des travaux liés à l’énergie et à la sylviculture.

Elle se pose quatre questions fondamentales conditionnant toute implication dans un projet :

1. Conserve-t-il et/ou restaure-t-il les ressources naturelles ?
2. Crée-t-il des emplois pour les personnes mal desservies ?
3. Cela améliore-t-il les moyens de subsistance ?
4. Contribue-t-il à la constitution d’une main-d’œuvre qualifiée ?

Eco2 se concentre sur ces quatre points afin de s’assurer de travailler sur des projets qui vont être bénéfiques à l’économie, à la population locale ainsi qu’à l’environnement. Maximiser son profit n’est pas sa priorité. L’entreprise préfère prendre du recul et réfléchir aux différents moyens d’accroître ses contributions positives.

À la fin de sa présentation, Mark Lung a mis l’accent sur l’importance de l’union. Il a employé le terme swahili « harambe », qui désigne l’union des forces, en l’honneur de ses collègues kenyans n’ayant pu être présents. Il encourage toutes les entreprises éco-responsables à travailler ensemble, et ainsi atteindre un but commun plus ambitieux.

 

Shainoor Khoja est venue en tant que représentante de Roshan. Roshan, « lumière et espoir » en afghan, est une entreprise de télécommunication qui s’est implantée en Afghanistan en 2003. L’entreprise s’est emparée du marché téléphonique national pour la somme de 5 millions de dollars et a opté pour un monopole de 3 ans bien que le pays lui ait proposé un monopole de plusieurs décennies. Leur but était de mettre en place un réseau télécom de qualité, pour ensuite attirer des investissements étrangers. Un investissement risqué dans un pays à l’époque en pleine guerre et possédant un taux d’alphabétisation inférieur à 30 %. Il y avait plus de mines en Afghanistan que dans l’ensemble des autres pays du monde : pas le plus encourageant pour un investisseur.

Pourtant, en 15 ans, Roshan a connecté près de 60 % du pays grâce à son réseau. L’entreprise a également permis la création de 40 000 emplois et a introduit les afghans aux nouvelles technologies. Roshan, c’est aujourd’hui 6 % du PIB national et un modèle qui attire les investisseurs.

L’entreprise n’a pas toujours opté pour la solution la plus facile ou la moins chère, mais pour celle qui aura l’impact le plus positif sur la population locale et le pays… C’est ça de donner du sens à sa croissance !

 

Gabriel d’Harcourt, directeur général délégué de La Voix du Nord a insisté sur le contexte de la genèse de son entreprise il y a 75 ans. La Voix du Nord telle qu’on la connaît aujourd’hui est née en 1944 au sein de la Résistance.

Les médias existent-ils uniquement pour raconter les faits ou doivent-ils agir ? Question très clivante à laquelle le directeur général a répondu en soulignant l’importance qu’il accorde aux médias. Ils auraient, selon lui, une réelle mission à remplir au service de la population : au-delà de simplement relater les faits, la presse peut faire avancer les choses et réduire les problèmes dans notre société.

D’après lui, c’est la crise des gilets jaune qui a véritablement mis en lumière ces problèmes et fractures sociales. Lui et son équipe se sont donc posé la question suivante : Comment est-ce que La Voix du Nord peut-elle devenir la « Patagonia », le modèle entrepreneurial de la presse ? Comment le journal peut-il réellement servir et impacter son entourage ?

L’équipe s’est focalisée sur elle-même et son histoire et en est venue à définir un nouveau slogan, une nouvelle raison d’être : « Ensemble, écrire la nouvelle histoire du Nord ». Cette phrase a pour but de donner une direction et un sens au travail de chacun des collaborateurs de l’entreprise. La Voix du Nord veut se redonner un nouveau sens, tenter de sensibiliser et mobiliser les acteurs régionaux à travers ses contenus, organiser des réunions pour rencontrer ses lecteurs et s’en rapprocher.

Toute entreprise est légitime d’agir, et les médias sont les premiers concernés.

D’après Gabriel d’Harcourt, chaque entreprise devrait se recentrer sur elle-même et voir comment elle pourrait accroître sa contribution au bien commun. Cela pourrait lui permettre de réaliser que c’est possible sans mettre son profit en péril.

 

Les nouvelles générations de consommateurs se concentrent de plus en plus sur les valeurs que chérissent les entreprises et non plus sur leur profit. Il est temps pour chacun de revoir ses habitudes, autant en tant que producteur que consommateur.

 

Logan GUM
@Gumlogan