Reporter World Forum

Bertrand Piccard, histoire d’un pionnier

Photos of Bertrand Piccard, histoire d’un pionnier

11A – Plénière d’ouverture de la 13e édition : EGO IMPERIUM, j’ai le pouvoir de changer le monde

 

Bertrand Piccard, psychiatre et aventurier suisse mais aussi et surtout initiateur du projet Solar Impulse, a créé le premier avion solaire autonome. Récemment chargé de représenter la société civile au G7 à Biarritz, il voyage et travaille partout dans le monde, dans le but d’inspirer le changement et de trouver des solutions.

Invité d’honneur de cette treizième édition du World Forum, son parcours est l’incarnation même de l’Ego Imperium.

Retour sur cette personnalité inspirante qui nous donne, dans une conférence d’ouverture, les clés pour faire partie du changement.

 

De l’ambition à l’action : l’aventure Solar Impulse

Issu d’une famille d’inventeurs depuis trois générations, il se devait de reprendre le flambeau. Tout commence en 1999 lorsqu’il décide d’entreprendre Breitling Orbiter, le plus long vol en ballon jamais réalisé. Ses pairs croyaient son projet impossible. Tenace et créatif, il n’hésite pas à sortir des sentiers battus, à « changer de paradigme » pour surmonter toutes les difficultés de ce projet. Il charge la nacelle de 3,7 tonnes de propane pour voler de nuit. Résultat : il parcourt 45 000 km en vingt jours. Record absolu de distance et de durée de l’histoire de l’aviation ! 

 

L’explorateur est profondément insatisfait avec le monde; et veut mieux et plus. 

« Le ciel n’est pas la limite, c’est le carburant », fait-il remarquer à la salle conquise. Rien ne l’arrête ! Il cherche alors à voler sans carburant, pour aller plus loin : réaliser un « vol perpétuel ». L’idée d’utiliser le soleil comme source d’énergie s’imposait. Et la nuit, alors ? Il fallait encore trouver la solution.

Avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne, il réalise une étude de faisabilité relayée dans la presse internationale. Le projet n’est alors qu’à un stade expérimental, mais c’est une manière d’« être condamné à avancer ». Ils n’ont plus le choix : le monde les regarde. Devant le manque de soutien du secteur aéronautique, il part avec son compagnon d’aventure et ami, l’ingénieur André Borschberg à la recherche de compétences et de financements ailleurs. C’est finalement un chantier naval, des compagnies d’assurances, du digital, même une maison champenoise qui porteront le projet. Avec un budget de 170 millions d’euros réuni en quinze ans, le duo réalise un tour du monde de 40 000 km. Ils vont à la rencontre des dirigeants du monde entier, leur périple fait la une des JT.

Après plus d’un an et demi d’aventure, l’avion atterrit à Abou Dabi, le 26 juillet 2016. Ce succès du projet ne marque qu’une étape pour l’équipe de Solar Impulse, qui veut aller plus loin et créer une dynamique de changement. Il faut rappeler que l’objectif n’était pas l’avion, mais la création d’un « symbole » : des technologies plus efficientes sont là, elles n’attendent qu’à être banalisées, généralisées.

 

© Maxime Dufour Photographies

La Fondation Solar Impulse lance alors le projet 1 000 solutions qui délivre un label. Trois critères : crédibilité, respect de l’environnement, de notre santé et rentabilité financière. Il sort du clivage croissance économique/écologie : recenser les bonnes pratiques, c’est aider les gouvernements à remplir leurs engagements environnementaux en « parlant leur langage » celui des emplois, de la stabilité, des contraintes. Bertrand Piccard nous propose une troisième voie : celle de la croissance qualitative.

Sa philosophie : pour changer le monde, il faut apprendre à penser autrement

Piccard ne rime pas avec Icare ! Il nous propose une transition écologique pragmatique où les intérêts de chaque acteur sont considérés pour « réussir à parler le langage de ceux que l’on veut convaincre ». Par l’empathie, le dialogue, on peut atteindre un compromis pour créer des sociétés à l’impact environnemental optimal. Car le changement ne se produit pas entre convaincus, mais est le fruit de la confrontation entre différents mondes qui se parlent peu. Il faut trouver des intérêts communs, faire des « win-win deal » pour que 1 et 1 fassent 3 : « Lui, moi et nous deux. » Autrement dit, l’union d’expériences différentes fait la force. Accepter l’altérité, c’est souvent difficile mais fertile et libérateur. 

Pour mieux le comprendre, notre savanturier reprend l’image du ballon qu’il connaît bien : prisonnier du vent, on ne choisit pas sa direction. La seule façon de le faire, c’est de changer d’altitude. Comment ? En lâchant du lest. 

Et cela s’applique au quotidien : face à une situation imprévue, incontrôlable, on peut choisir de la subir ; ou choisir d’être acteur en changeant de « paradigme », en laissant ses peurs, certaines convictions qui nous maintiennent dans des schémas préconçus. Devant un nouveau sujet, notre première approche est souvent conditionnée, rarement intuitive.

 

Et vous ?

Inutile de construire un avion, le message de Bertrand Piccard prône avant tout un changement de mentalité. Sortir de la ligne droite, des dogmes pour tenter d’intégrer d’autres visions du monde.  Pensez à un rêve, même celui que vous pensiez avoir oublié et lancez-vous ! On vous dira que c’est impossible et c’est bon signe. Vous êtes sorti du paradigme. Le chemin sera long, mais votre vie trouvera son sens. Il suffit d’un seul soutien pour vivre une grande aventure. 

Alors soyez comme Dumbo ! Avoir des oreilles qui touchent le sol, c’est handicapant, mais vous apprendrez à en faire des ailes ! Cela peut vous faire sourire, mais c’est bien le programme de Bertrand Piccard. Transformer ce qui apparaît comme le problème en solution.

 

Naomi OUATTARA