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Problème global, solutions locales : entretien avec Roland Stulz

Architecte et fondateur de la société 2000 Watts, Roland Stulz a contribué à l’établissement d’un programme environnemental unique en Suisse. Le but ? Limiter la consommation d’électricité annuelle à 2000 Watts par personne et la quantité de CO2 émis à 1 tonne par an par personne. Un projet ambitieux quand on sait que la consommation annuelle atteint actuellement plus de 4500 Watts par personnes en Suisse ! Alors comment atteindre cet objectif ? Avant tout « par un engagement citoyen et local » nous répond Roland Stulz…. Entretien.

Est-ce votre première fois au World Forum for a Responsible Economy (WFRE) ? Quelles sont vos impressions sur le forum ?

Oui c’est la première fois ! Le Forum est impressionnant par sa taille et la qualité de ses intervenants. Les conférences de ce matin m’ont fait prendre conscience de l’importance de la région, endroit local à prendre au sérieux et à développer. En leur permettant de peser dans la mondialisation, nous pourrions atteindre une situation globale plus équilibrée, moins dominée par de grandes entités toutes puissantes. Il y a beaucoup d’initiatives et de volontariat, c’est charmant et un peu romantique mais ce n’est pas suffisant. Le volontariat n’a pas les moyens de rivaliser avec des grandes entreprises qui fixent les règles et qui peuvent facilement écraser ces initiatives. Il faut foncer dans le mainstream pour avoir du succès sur le long terme.

 

Mais le projet que vous avez mené en Suisse n’était-il pas lui-même une initiative citoyenne et volontaire, prise à la suite d’un référendum ? Et il semble efficace…

Jusqu’à présent c’est en effet un programme volontaire. Mais nous nous appuyons sur des normes prises en accord avec des grandes entreprises. Nous avons toujours travaillé avec des entreprises importantes en nous disant que si c’était possible pour eux, c’était possible pour le reste du marché !

Je voudrais insister sur la production de lois. C’est très important, c’est en effet ce qui permet d’assurer une continuité dans la mise en place du programme. Le volontariat ne peut prétendre à la même durabilité.

 

Vous avez parlé lors de votre intervention de l’importance de mesurer et d’évaluer les résultats d’une politique. Comment évaluez-vous votre politique ? Envisagez-vous de donner un aspect plus global à votre projet et éventuellement l’exporter à l’international ?

C’est important de passer par une phase d’évaluation, sinon chacun peut raconter ce qu’il veut et personne ne contrôle plus rien. Plus qu’une garantie, c’est un véritable indicateur des mesures à prendre pour adapter ou améliorer la politique.

Concernant la deuxième partie de la question, c’est assez difficile d’envisager une exploitation de ce programme à l’échelle internationale. Chaque pays, chaque région doit pouvoir dire « c’est mon projet, c’est moi qui l’ai inventé ». Si ça vient d’autre part, ça n’est pas la même chose. On a fondé une antenne 2000 Watts en Allemagne, ça n’a pas marché. On a tenté d’implanter le projet en France en ouvrant un bureau à Lyon. Cela n’a pas non plus fonctionné.

Nous développons maintenant un partenariat avec la Chine, qui semble très intéressée. Un quartier 2000 Watts a ainsi vu le jour près de Shanghai. Cet engouement peut être expliqué par la tendance de la population à penser collectif ainsi que par leur culture assez docile.

 

La condition pour instaurer une société plus durable serait donc l’existence d’un mouvement collectif. On peut penser à la Suisse, votre pays, où le programme a été adopté par démocratie directe…

C’est ça ! C’est pour cela qu’en Chine certains de nos projets rencontrent du succès. Nous avons adopté une démarche collaborative avec des grandes entreprises, et les urbanistes que nous avons consultés ont produit des résultats impeccables tant du point de vue esthétique qu’énergétique.

Les grands changements viendront de la Chine. Ils souffrent de la situation. Chez nous il n’y a pas de pression pour changer, on ne sent rien ! Je pense néanmoins que l’Europe à un rôle très important à jouer dans ce développement. Il ne faut pas nous laisser impressionner par des pays comme les Etats-Unis. Nous avons une culture qui est beaucoup plus proche de la durabilité que la culture américaine. Les américains cherchent toujours une technologie pour résoudre les problèmes. Ce n’est pas la voie à adopter : l’approche à retenir doit regrouper un aspect social, technologique et politique. En cela, l’Europe s’inscrit mieux dans le concept de développement durable.

Servane de Pastre