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Maud Lelièvre : « Pas de transformation radicale sans accompagnement au changement »

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Présidente du Comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et actrice investie depuis vingt ans dans la protection de l’environnement, Maud Lelièvre est intervenue lors de la plénière d’ouverture de l’édition 2021 du World Forum for a Responsible Economy. 

Diplômée de sciences politiques et avocate en droit de l’environnement, Maud Lelièvre a participé à différentes COP Biodiversité et négociations internationales dans ce domaine. Déléguée générale des Eco Maires, elle anime également un réseau de collectivités locales sur les questions de biodiversité en France et en Afrique. De plus, elle a créé, il y a dix ans, les Assises nationales de la biodiversité. Elle siège également au Bureau de la Ligue pour la Protection des Oiseaux et est membre de l’ONG internationale BirdLife. Un CV à la hauteur de ses ambitions et de ses idées en faveur de notre planète ! Elle est intervenue à distance lors de la plénière, et a échangé avec Yann Vincent, directeur général d’ACC, et Jérôme Bodelle, directeur général de CRITT M2A.

Inviter la nature au cœur des stratégies d’entreprise 

Jean-Michel Lobry l’affirme d’entrée de jeu, Maud Lelièvre porte la conviction qu’il nous faut en effet « inviter la nature au cœur des stratégies d’entreprises » : « Là où il y avait des défiances, des résistances, on a aujourd’hui une prise de conscience des entreprises », confirme l’experte. En effet, la présidente du Comité français de l’UICN a pu observer cette évolution lors de sa participation au Congrès Mondial de la Nature, tenu début septembre à Marseille. 

La prise de conscience est faite : Maud Lelièvre nous donne alors l’exemple de la pêche industrielle. On peut ici retrouver un lien avec le happening d’Ocean Rebellion à l’ouverture de la COP26, où des militants se sont déguisés en sirènes empêtrées dans des filets de pêche afin d’alerter les institutionnels et médias présents quant à l’impact de la pêche industrielle sur nos fonds marins.

La nature et le changement climatique sont des sujets pris en compte d’emblée dans le modèle économique des entreprises. Si les entreprises ne se transforment pas, elles risquent l’effondrement, craint l’intervenante. Maud Lelièvre invite donc les entreprises à agir maintenant, plutôt que de subir l’urgence de la contrainte règlementaire et climatique.

Un changement économique global 

L’experte transmet alors un message aux entreprises présentes au WFRE : « Pas de transformation radicale sans accompagnement au changement du modèle économique ». Les entreprises doivent être accompagnées pour arriver à un changement global du modèle économique où « les questions en rapport avec le climat sont prises en compte ». Elle remet au centre de l’échiquier les questions environnementales. Leurs prises en compte ne semblent plus être un choix, mais bien une nécessité puisque « les entreprises qui s’y refusent sont aujourd’hui en défiance, les jeunes ne veulent pas forcément y travailler ». Les nouvelles générations portent en effet des valeurs fortes en faveur de l’environnement, jusque sur leur lieu de travail. 

Lors de sa prise de parole, Maud Lelièvre fait plusieurs fois référence à la COP26. Celle-ci s’est tenue à Glasgow cette année, et a pris fin le 12 novembre dernier. Elle nous dit alors qu’il n’est pas possible de tout compenser, et qu’il nous faut changer radicalement un certain nombre d’industries. En effet, le changement doit se faire jusque dans la production finales, les consommateurs étant aujourd’hui de plus en plus attentifs à la qualité des produits qu’ils consomment, et à l’éthique derrière leur confection. A terme, Maud Lelièvre explique que les produits issus de la pêche industrielle ou de la déforestation ne seront plus acheté par les consommateurs, du fait de leurs impact environnementaux, tant sur la faune que sur la flore.

Traiter les obstacles du processus de transformation par des indicateurs clés

Maud Lelièvre met en avant le besoin d’évaluation économique : « Il faut partir de chiffres, d’évaluations, sinon on ne va pas dans le bon sens ». Des indicateurs nécessaires pour mesure nos avancées, et garder un cap positif. Oui, l’intervenante insiste, « Il faut des indicateurs économiques aux côtés d’indicateurs environnementaux pour prendre les bonnes décisions ». Elle reprend alors l’exemple de Glasgow et nous explique que la solution prônée pour la nature permettrait non seulement de réaliser une économie certaine, mais également d’oeuvrer en faveur du bien-être social. En effet, travailler sur la nature permettrait d’économiser dix gigatonnes de CO2 par an, « soit l’ensemble des émissions du secteur mondial du transport », affirme-t-elle. 

Un plan d’action, des indicateurs pour se rendre ensemble dans la bonne direction, en faveur de toutes et tous… Le constat est fait, le projet, lancé. Vous en êtes ? 

Lucie LERNOULD