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33B – Trois étapes pour atteindre l’autonomie alimentaire

En tant que consommateurs, nos choix quotidiens ne sont pas neutres et il est important de comprendre leur portée. Nous nous sommes habitués à une alimentation carnée et à l’achat des mêmes fruits et légumes toute l’année, quelle que soit la saison. L’impact environnemental de ces habitudes et plus largement de la production alimentaire globalisée est considérable : cette dernière est responsable de 14% des gaz à effet de serre d’origine humaine. Mais un autre monde est possible, des hommes et des femmes l’inventent chaque jour en relevant le défi d’une alimentation autonome et saine en ville.

Étape 1 : Relocaliser notre système agroalimentaire

Et si nous pouvions faire pousser nos légumes et nos fruits ainsi qu’élever nos animaux en ville, plutôt que de consommer des produits issus de l’importation bien plus coûteux en énergie ?

Julien Le Net, jeune entrepreneur canadien et cofondateur de ÉAU, nous explique que son entreprise s’est donnée pour mission de développer un système de production alimentaire urbain : l’aquaponie.

Le principe est de faire cohabiter l’élevage de poissons avec la culture de végétaux : l’eau des poissons nourrit les plantes cultivées hors-sol et celles-ci filtrent l’eau qui remplit le bassin des poissons. Les principaux atouts de l’aquaponie sont qu’elle permet des économies d’eau de 80 à 90 % et nécessite 10 fois moins d’espace que l’agriculture conventionnelle.

Ces systèmes possèdent une structure énergétique entièrement passive et renouvelable permettant de produire douze mois par année légumes, fruits et poisson locaux indépendamment de l’industrie pétrochimique, des changements climatiques et de la fragilité des écosystèmes.

Ce système de symbiose naturelle existe depuis des millénaires dans les rizières d’Asie du Sud-Est, mais réactualisé, il donne l’espoir de vivre un jour dans des villes entièrement autonomes alimentairement.

Étape 2 : Soutenir des initiatives d’alimentation locale

Crêpes & Waffles, entreprise familiale fondée dans les années 1980 en Colombie devenue la plus grosse chaîne de restaurants du pays, a fait de l’autosuffisance locale et régionale un de ses principaux objectifs.

D’après le National Geographic, « si la biodiversité de la Terre était un pays, elle s’appellerait Colombie. » C’est pour préserver cette précieuse biodiversité que Crêpes & Waffles s’engage aujourd’hui à soutenir les petits paysans colombiens qui la respectent, explique Felipe Macia Fernandez, venu présenter l’entreprise de ses parents.

Il y a trois ans, celle-ci a commencé à s’approvisionner chez de petits producteurs de poivre, de cacao ou d’arracacha, leur redonnant ainsi le statut de gardiens de la terre et de la culture colombienne. La chaîne de restauration a parfois été le seul soutien financier dans la démarche de réhabilitation de paysans autrefois impliqués dans la production de coca et les cartels de drogue.

Plus récemment, l’entreprise s’est appliquée à renforcer l’économie d’une petite ville des Andes colombiennes ayant refusé l’exploitation d’une mine d’or présente sous les montagnes.

Crêpes & Waffles définit ainsi un avenir où la production alimentaire et la croissance ne s’opposent pas à la richesse du paysage.

C’est également le pari que s’est lancé Judy Wicks. Cette Américaine de 70 ans est à l’origine du Cercle des Tantes et des Oncles (Circle of Aunts and Uncles) qui accorde des prêts à taux réduit à de jeunes entrepreneurs de la région de Philadelphia. Les projets qu’elle a présentés ont tous un point commun : ils composent une économie locale et équitable. Ce réseau multigénérationnel fournit aussi aux jeunes l’aide sociale dont ils manquent en lançant leur business. Aujourd’hui, Judy Wicks a reçu de nombreux prix régionaux et nationaux et est reconnue comme l’une des personnalités les plus inspirantes de l’économie alimentaire circulaire.

Étape 3 : Repenser notre assiette

Voilà ce que propose Jacob Lewin Rukov, un jeune Danois pionnier du marché des criquets comestibles. Comme la plupart des occidentaux, l’idée de manger des insectes vous consterne sûrement. Pourtant, dans un quart des pays du monde, leur consommation fait partie du régime standard. Source importante de protéines et de vitamines, ils sont également très peu impactants pour l’environnement.

Alors que la production de viande est responsable de 15% des émissions de CO2 et de 37% des émissions de méthane dans le monde, l’élevage de criquets ne produit quasiment aucune émission et nécessite très peu de nourriture, d’eau et d’espace. Pour réduire son empreinte carbone, il est finalement plus efficace d’arrêter de manger de la viande, que d’arrêter d’utiliser le bus, la voiture et l’avion combinés !

Rukov nous montre ainsi que les choses ne sont pas gravées dans le marbre et que si nous sommes capables de repenser ce qui peut ou non arriver dans notre assiette, nous sommes capables de bien plus encore.

A nous de jouer ! 

En France, la souveraineté alimentaire en ville, ne représente que 3% du marché : une formidable opportunité de développer le local.

Notre système agroalimentaire ne devrait pas se résumer à conduire la nourriture en ville et les déchets hors de la ville. Ces entrepreneurs qui réinventent notre manière de manger sont une source d’inspiration pour l’exploration de nouveaux marchés qui soutiennent l’autonomie alimentaire des villes. Il reste désormais à chacun d’entre nous de prendre conscience de notre responsabilité de consommateurs.

Elsa Touzard