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24B – Appréhender la ville avec la jeunesse africaine

L’avenir de la civilisation est africaine. C’est ce à quoi Sénamé Koffi Agbodjinou se prépare. Son projet WoeLab est un incubateur de technologie à Lomé au Togo. L’espace est une feuille blanche pour l’innovation partagée des populations locales. Dans un monde globalisé, il permet de renouer les dynamiques locales, ce ne sont plus les individus qui se globalisent mais les localités entre elles.

 

Que vous inspire le terme « super local » ? Comment cette thématique résonne-t-elle avec votre projet ?

Je ne sais pas dans quel sens ils ont choisi ce thème, mais si c’est un clin d’œil à l’univers des comics et aux super-héros, je trouve que c’est une bonne intuition. Justement il y a aujourd’hui dans le local la capacité de faire des choses extraordinaires. C’est en tous cas la position que j’ai défendue avec les autres intervenants pendant cette conférence sur les écosystèmes innovants.

Le boom technologique a permis de faire plus petit, moins cher, plus rapidement et a donc démocratisé la capacité de faire des choses.

Aujourd’hui, on peut faire le pari de sortir des systèmes industriels centralisés pour basculer vers des systèmes qui fonctionnent plus localement. On peut essayer de reconquérir le pouvoir, de faire les choses à son échelle, à sa mesure. Finalement, je trouve que le titre est bien choisi, puisqu’il souligne bien ce potentiel qu’il y a aujourd’hui.

Comment faire pour que les Smart Cités ne créent pas de fractures sociétales alors qu’elles établissent un système global ?

Il faut avoir une approche moins top-down de la Smart Cité. Actuellement, on recycle les réflexes de l’urbanisme, on fait des master plans alors que la Smart Cité est totalement différente : produite par la technologie dans la ville.

La technologie est aujourd’hui une commodité: elle peut émerger demain parce qu’un jeune a passé beaucoup de temps à coder. Donc on devrait avoir une approche qui correspond vraiment au potentiel de la technologie aujourd’hui : une technologie décentralisée et incontrôlable. Le projet des Smart Cités devra employer des master plans bien sûr, mais il faut aussi laisser la possibilité aux accidents de se produire et aux technologies d’émerger grâce aux gens qui vivent dans la smart cité.

Dans cette perspective-là, les tiers-lieux peuvent avoir leur rôle à jouer. Mailler le territoire avec des tiers-lieux est donner la possibilité de voir émerger des projets qui s’appuient sur des technologies développées localement et qui peuvent être de bonnes réponses aux challenges de la ville.

Quelle énergie vous a inspiré et donné envie d’aller vers les jeunes pour développer des projets durables avec eux ?

J’ai surtout vu qu’il y avait un potentiel et que la jeunesse africaine, qui sera (bientôt) quantitativement très importante, pourrait faire de belles choses si elle se saisissait de ce potentiel. Notre objectif le plus important est de faire prendre conscience aux jeunes du pouvoir qu’ils ont aujourd’hui entre les mains et je suis sûr que demain je serai surpris de ce qu’ils vont en faire. Pour l’instant, je dois avouer que les jeunes sont complètement déconnectés du pouvoir réel qu’ils ont à leur disposition.

Vous êtes donc plutôt optimiste pour demain ?

Ce n’est pas facile. Il y a beaucoup de défis à relever, beaucoup d’adversité mais je sais que cela a du potentiel. Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste: je reste réaliste et je sais que si l’adversité est trop forte, cela pourrait s’arrêter. C’est un projet dont je ne maîtrise pas toutes les variables, mais je continue à faire de mon mieux.

 

Clémence Hervieu