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20B- Abdoulaye Gning, l’homme local au service de l’émancipation féminine

Abdoulaye Gning, entrepreneur au Sénégal, nous enseigne que l’initiative personnelle est nécessaire pour changer le monde. Après ses études en France, il a décidé de s’installer au Sénégal pour développer ApiAfrique. Cette entreprise met en place des solutions durables et sociales en fabriquant des serviettes hygiéniques et des couches réutilisables. Autour de son projet, il a créé au niveau local une dynamique d’emploi et d’autonomie dont il nous présente les aspects et les objectifs.

 

Qu’est-ce que vous inspire le thème de « superlocal » pour cette 12e edition du World Forum ?

Superlocal, penser global mais surtout agir local. Agir local, parce que rien ne se fait sans le côté local. Les gens, la proximité c’est plus important que tout. C’est là où tout commence. […] Un proverbe Sénégalais dit « quand on compte on commence par un, on commence pas par cent mille ». C’est très important de commencer par le petit, le local avant d’aller sur le global.

Comment ce projet est-il reçu par les populations locales ? Est-ce qu’elles vous aident ? Ou au contraire sont-elles freinées par rapport aux tabous qui existent dans la culture sénégalaise ?

L’information est le plus important. Parce qu’aujourd’hui, j’estime que les gens qui n’agissent pas n’ont pas l’information. Je le vois tous les jours. Quand on explique à la femme, que quand la couche qu’elle vient d’acheter à 50 centimes, qu’elle met à son enfant, qu’elle jette, va mettre 450 ans pour se dégrader, elle me regarde avec des gros yeux: « ah oui? ». Ce n’est pas possible. J’ai déjà eu des réactions comme cela, donc c’est bien d’expliquer. Il y a de la pédagogie à faire.
Mais je suis persuadé qu’on va y arriver. Parce que petit à petit, je vois les changements au niveau de mes quartiers, au niveau même des responsables. Il y a même des fondations qui sont venus nous voir pour nous dire « ce que vous faites, ça a de la valeur, ça a du sens » et cela, on ne le voit pas. Quand les gens commencent à reconnaitre ce qu’on fait, je me dis « c’est gagné ». Vraiment, il faut commencer par cela.

Comment pensez-vous le futur ? Est-ce que vous pensez vous étendre aux pays voisins ? ou alors augmenter le nombre de salariés ?

L’objectif est d’aller maximum à 50 salariés: on n’ira pas au delà. Mais actuellement on est contactés partout. On a les mêmes problèmes, que ce soit au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso. Pour vous donner un exemple: à Noël on a fait une vidéo pour expliquer ce qu’on faisait. La vidéo a été vu 500 000 fois. Donc de partout, les gens nous contactaient. On a été complètement dépassés.

On a même été contacté par les présidents des autres pays pour essayer de mettre en place des ateliers. L’idée est de ne pas créer une multinationale du business chez nous: c’est d’essaimer après en Guinée, au Mali, les pays limitrophes, et ne pas monter en puissance nous même. De toute façon, on ne peut pas le faire. Il vaut mieux créer de l’emploi sur le plan local et ce sera plus efficace que d’essayer d’amener des produits et de les vendre partout.

Si nous à notre échelle on a envie de vous aider, de quelle manière peut-on le faire ?

Là on a mit en place un programme qui s’appelle « take part ». Un programme qui permet de financer des produits pour des populations qui sont les plus nécessiteuses. Il n’y a pas de don. L’idée c’est vraiment de participer à ce financement. On a des produits qui coutent 10 euros. Si vous pouvez financer 50 ou 60%. Mais la personne qui utilise le produit doit aussi participer. Je pense que le don gratuit ce n’est pas bien. On a souvent l’exemple en Afrique, il y a des campagnes contre le paludisme. Il y a des ONG qui sont venus nous donner des moustiquaires: les gens n’utilisent pas ces moustiquaires là contre le paludisme, ils vont faire de la pêche avec. Parce que ça ne leur a rien couté.

Il y a une sorte de responsabilité ?

Exactement. C’est pour cela que nous on ne donne pas. Même si la personne doit mettre un franc, deux francs. Il faut qu’un geste soit fait. C’est surtout dans ce sens là. Parce que les produits sont un peu cher pour les populations qui n’ont pas les moyens de les acheter.

 

Clémence Hervieu