Interview

Michael Priddis: “Nous ne faisons pas face à la fin du travail, mais au début d’une nouvelle ère de travail”

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Michael Priddis
est le fondateur et PDG de Faethm, une toute jeune entreprise australienne qui opère déjà au niveau international. La mission de Faethm est d’aider entreprises, gouvernements et communautés à générer de la valeur économique et sociale grâce aux technologies émergentes, comme la robotique ou l’intelligence artificielle. Il nous explique en quoi ces technologies ouvrent une nouvelle ère pour le monde du travail, et comment mener cette transition sans oublier personne en route.

 

Quel manque cherchiez-vous à combler quand vous avez monté Faethm ?

Je suis un expert des produits. J’ai passé 15 ans à concevoir et créer des produits technologiques et des entreprises et j’ai travaillé aux avant-postes de la technologie. Et j’ai vu la même chose dans toutes les industries et dans tous les pays où j’ai travaillé : à mesure que la technologie et l’innovation progressent, les entreprises ont souvent besoin de moins de personnel. L’automatisation du travail était un corollaire des innovations sur lesquelles je travaillais. Fin 2014, alors que j’étais associé au Boston Consulting Group, j’ai co-dirigé un programme de recherche de 9 mois avec la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) pour étudier l’effet de la technologie sur les emplois en Australie. Puis j’ai quitté le BCG il y a un an pour créer mon entreprise : nous utilisons la data science pour élaborer des analytiques qui aident les entreprises et gouvernements à comprendre les implications de ces nouvelles technologies.

 

Votre produit star s’appelle Tandem. Que fait-il ?

Tandem aide les entreprises et les gouvernements à observer les effets de la technologie sur n’importe quelle population (une entreprise, une filiale, une équipe, une communauté, une ville, une industrie, etc.). Nous collectons des données sur la nature du travail et les caractéristiques d’une industrie, ainsi que sur le délai dans lequel la technologie devrait avoir un impact sur cette industrie. Ensuite, nous modélisons ces données sous forme de tendances qui aident les entreprises à voir comment faire transitionner leurs équipes et les gouvernements à prendre des décisions concernant les investissements dans l’industrie, les politiques d’emploi, d’immigration, de fiscalité, etc.

 

Donc c’est très large.

Oui, absolument. On va changer le monde !

 

Quelles nouvelles ressources apportez-vous aux entreprises et gouvernements ?

Nous sommes en train de construire une communauté de techniciens R&D, et j’ai eu la chance de pouvoir recruter une équipe très capable. Tous ensemble, nos compétences vont de la data science aux opérations en passant par la stratégie, les produits, les modes d’opération, les modèles économiques, l’investissement, la prévision, etc. Et nous synthétisons toutes ces manières différentes de voir la donnée pour fournir à nos partenaires des informations qui leur sont utiles.

 

Quelles sont les implications socioéconomiques de votre travail ?

Nous n’observons pas simplement les effets de la technologie sur les entreprises, mais également sur les communautés. Prenons l’exemple d’Amelia, une intelligence artificielle sociale développée par IP Soft : Amelia a été conçue pour remplacer le premier contact que vous avez quand vous appelez un service clients. La plupart des centres d’appel sont dans de petites villes, ce qui veut dire que les salaires ont un impact très important sur les communautés locales. Or, à mesure que des produits comme Amelia deviendront plus sophistiqués, les centres d’appel fermeront. Ce qui est super pour tout le monde – qui aime appeler un service clients ? – sauf pour la communauté qui a besoin de ces salaires. À mon sens, ce serait une excellente idée que les gouvernements locaux puissent prévoir dès maintenant ce genre de conséquences sociales. Parce qu’on ne parle pas uniquement d’une entreprise qui doit faire sa transition : on parle aussi de filets de sécurité sociale, de salariés qui doivent être déplacés, développer de nouvelles compétences, avoir accès à la formation continue, etc. Toutes ces choses peuvent être faites de manière éclairée si les personnes qui dirigent ces organisations savent comment la technologie va changer le monde du travail. C’est ce que nous leur apportons.

 

À qui incombe la responsabilité d’accompagner ces changements : les entreprises ou les gouvernements ?

Cela dépend beaucoup du pays et des relations entre gouvernements, entreprises et syndicats. Mais je pense qu’il y a là une opportunité pour l’OCDE et le Forum mondial de montrer la voie en informant sur la manière dont ces changements vont advenir. Prenons un autre exemple : 83,4% du PIB à l’export du Bangladesh provient de l’industrie textile, et le Bangladesh est très fortement dépendant de son PIB à l’export. Aujourd’hui, il est encore difficile d’automatiser la production de vêtements, mais beaucoup d’entreprises y travaillent. Et quand ce sera devenu moins cher d’automatiser la production à domicile, c’est ce que les entreprises occidentales feront. Et c’est un problème pour les pays en développement qui n’ont pas de sécurité sociale. Il y a des effets de contagion au niveau international sur lesquels nous voulons aussi informer.

 

Y a-t-il un projet qui vous enthousiasme particulièrement ?

Nous avons élaboré un Future Workforce Index pour chaque pays de l’OCDE, qui montre les effets de la technologie sur les plus grandes industries dans chacun de ces pays. L’Index sera utilisé par les gouvernements pour éclairer leurs choix en matière de politique d’investissement, d’emploi et de planification fiscale et par les entreprises pour leur stratégie et leur transformation.

 

Y a-t-il une chose sur laquelle vous rêveriez de travailler ?

En ce moment on parle beaucoup de revenu universel, qui serait une réponse au fait que nous n’aurons plus assez d’emplois pour tout le monde. Je ne partage pas cette analyse. Nous ne faisons pas face à la fin du travail, mais au début d’une nouvelle ère de travail. Je dis souvent que les ordinateurs sont bons pour faire ce que nous trouvons difficile, et qu’ils ne sont pas très doués pour les tâches qui sont faciles pour nous. Nous devons parler des trois “A” ensemble : bien sûr, il y a l’automatisation, mais il y a aussi l’augmentation des métiers existants et l’ajout de nouveaux métiers. Donc, ce que je voudrais avoir accompli à la fin de cette mission, c’est aider à prendre conscience de toutes ces opportunités. Notre objectif n’est pas de remplacer le travail par le revenu universel ; c’est d’aider les gens, grâce à l’éducation et au développement de compétences, à explorer de nouveaux types de travail.

 

Que souhaitez-vous pour l’avenir ?

J’espère que Tandem deviendra le standard général auquel tous les gouvernements et entreprises auront recours pour appréhender le futur du travail. Mon objectif personnel est que tous aient accès à l’éducation et à des formations qui leur permettent de faire la transition entre les métiers qu’ils font aujourd’hui et des métiers qui rendent les entreprises, les communautés et les gens heureux.

 


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