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Auara, l’eau minérale qui veut résoudre la crise de l’eau

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Et si l’eau minérale pouvait aider à régler la crise mondiale de l’eau ? L’idée semble contre-intuitive : l’accès à une eau saine et propre est un droit reconnu comme tel depuis 2010 par les Nations Unies, et devrait donc être gratuit. C’est pourtant l’approche choisie par la jeune entreprise espagnole Auara, mais pas exactement sous l’angle qu’on aurait pu imaginer. Le concept est simple : Auara vend de l’eau minérale en bouteille, et 100% de ses profits financent des projets d’accès à l’eau dans huit pays d’Afrique et au Cambodge. En somme, les habitudes de consommation des pays développés servent de levier pour résoudre la crise de l’eau ailleurs.

 

… l’accès à l’eau potable pourrait réduire jusqu’à 80% des maladies …

 

Neuf projets à impact social

La décision des fondateurs d’Auara — Antonio Espinosa, Luis de Sande et Pablo Urbano — de lancer leur entreprise sociale repose sur un constat : plus de 700 millions de personnes dans le monde ne bénéficient pas d’un accès quotidien à l’eau potable, d’après WaterAid. Et selon l’Unicef, plus de 1000 enfants meurent chaque jour de maladies liées à la consommation d’eau sale. D’où l’idée de “convertir un acte quotidien comme boire de l’eau en un acte extraordinaire”, comme on peut le lire sur leur site. D’où le choix, aussi d’être une entreprise sociale au sens donné par Muhammad Yunus (Prix Nobel de la Paix 2006, qui a le premier développé le concept de social business), c’est-à-dire une entreprise avec un objectif social et qui ne verse pas de dividendes : tous les bénéfices financent de nouveaux projets. Auara ne verse pas ces fonds à des ONG ; l’entreprise s’engage elle-même dans des projets menés avec des partenaires locaux qui connaissent le terrain et assurent leur pérennité. Aujourd’hui, neuf projets sont développés en Afrique (Maroc, Sierra Leone, Bénin, Cameroun, Congo, Ouganda, Malawi, Éthiopie) et en Asie (Cambodge). Ils s’organisent en trois volets : accès à l’eau potable, assainissement et agriculture. Dans de nombreux cas, il s’agit de réhabilitations de puits et de construction de toilettes dans des villages ou des écoles situés dans des zones reculées. Les impacts espérés sont sanitaires, bien sûr, puisque l’accès à l’eau potable pourrait réduire jusqu’à 80% des maladies. Mais ils sont également économiques et sociaux, d’abord parce qu’ils permettent d’accroître la scolarisation des enfants, désormais moins souvent malades, et que la plupart des projets favorisent l’indépendance économique des femmes. D’ici à 2020, l’entreprise ambitionne d’investir 2,5 millions d’euros dans des projets à impact social et de permettre l’accès à l’eau potable à 50 000 personnes.

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Plastique recyclé et hashtags

À l’autre bout de la chaîne, du côté des consommateurs espagnols, Auara prend aussi un certain nombre d’engagements. D’abord, ses bouteilles sont constituées à 100% de R-PET, un plastique recyclé. Objectifs pour 2020 : éviter l’utilisation de 10 millions de litres de pétrole pour fabriquer du PET “classique”, et réutiliser le plastique de 90 millions de bouteilles. Petit plus encore trop rare, les bouteilles sont également munies d’un label en braille pour les personnes aveugles et malvoyantes. Enfin, pour motiver les consommateurs à “boire mieux”, la marque leur permet de savoir exactement où va leur argent et ce qu’il finance, grâce à un QR code flashable sur toutes les étiquettes. Car pour une entreprise comme Auara, l’engagement des consommateurs est le nerf de la guerre : plus elle vend de bouteilles, plus elle peut financer de projets. L’entreprise a ainsi lancé sur les réseaux sociaux le hashtag #crisisdelagua (#crisedeleau) et encourage les internautes à poster des photos de verres d’eau sale, symbolisant la situation des 700 millions de personnes qui n’ont pas accès à une eau saine, pour faire prendre conscience du problème. La campagne a reçu le soutien de nombreuses personnalités espagnoles, dont Rossy de Palma, actrice fétiche de Pedro Almodovar.

En amaharico, une langue éthiopienne, Auara signifie tempête de sable. Mais c’est une révolution douce que propose l’entreprise espagnole : utiliser les outils du capitalisme pour réduire les inégalités d’accès à l’eau. Comme elle le dit elle-même sur son site, “en tant qu’entreprise sociale, Auara prend le meilleur des entreprises et de leur manière d’opérer, et le meilleur des ONG qui ont une raison d’être sociale.”