82B - Une pinte de bière responsable, s'il vous plaît !

Comme diraient les belges, notre savoir-faire se déguste avec sagesse . Mais savoir faire de la bière, ça peut faire mal à notre planète. Consommation d'eau, d'énergies, emballages qui deviennent des déchets... des brasseurs se sont engagés pour réduire tous ces coûts environnementaux.
La bière dans notre région, on y tient ! 30% de la bière produite en France est brassée dans le Nord-Pas-de-Calais. Le bon côté, c’est que la filière génère beaucoup d’emplois. Mais il y a aussi un mauvais côté: l’empreinte environnementale. Voilà pourquoi Agroé a lancé un projet d’éco-conception. Le pôle d’excellence s’est allié à la plate-forme [avniR], la région Nord-pas de Calais et l’ADEME pour aider les brasseurs à devenir plus écologiques.
Mais alors qu’est-ce que l’éco-conception ? C’est une démarche pour améliorer son impact environnemental en tant qu’entreprise. L’environnement est un thème de plus en plus présent et important, donc les clients et consommateurs attendent maintenant que les entreprises s’améliorent pour protéger la nature. L’intérêt de l’éco-conception est d’analyser à quel niveau la filière a un impact sur l’environnement pour chercher des pistes d’amélioration par la suite. Pour faire cette évaluation environnementale, il existe une méthode : l’analyse de cycle de vie (ACV). Cette méthode a pour objectif d’évaluer l’impact de chaque étape du cycle de vie d’un produit sur le changement climatique.
Pour faire cette ACV de la filière brassicole, il faut d’abord découper le cycle de la vie de la bière en plusieurs étapes. Il y en huit : la production agricole, le maltage, la production du houblon, l’étape en brasserie, la production du packaging, la distribution et la fin de vie. Afin de voir comment toutes ses étapes influent sur l’environnement, il y a aussi des indicateurs, c’est-à-dire des éléments naturels qui sont impactés. Ces indicateurs sont : le changement climatique, la consommation d’eau, l’eutrophisation (pollution de l’eau à cause de composants azotées), la consommation d’énergies non renouvelables et l’écotoxicité de l’eau (pollution de l’eau associée aux composants toxiques).
Problèmes et solution
Grâce à cette analyse, on peut se rendre compte du coût environnemental qu'ont toutes ces étapes du cycle de vie de la bière. La plus ravageuse : l’emballage. La production de la bouteille en verre contribue à 65% de l’impact de la production de bière sur le changement climatique. L’étape en brasserie se révèle aussi impactante, surtout au niveau de la consommation d’eau (à environ 60%) et la consommation d’énergie (30%). Un résultat logique, car les différentes machines utiles à la production ont besoin d'énergie. Quant à la toute première étape, l'amont agricole, il impacte surtout sur l’eutrophisation de l’eau (à presque 50%).
Une fois cette analyse terminée, trois ateliers ont été organisés avec tous les brasseurs engagés dans ce projet d‘éco-conception. Le but : trouver des pistes pour diminuer l’impact de la filière brassicole sur l’environnement. Le même exercice est fait lors de cette conférence. Alors vous, à quoi pensez-vous ? Les idées fusent : l’agriculture bio, le recyclage de l’eau en brasserie, utiliser les énergies renouvelables, privilégier les circuits courts, recycler les bouteilles, rétablir le principe des consignes … Malheureusement, toutes ces bonnes idées sont souvent très dures à mettre en place. Le principe des consignes par exemple (rapporter ses bouteilles de bière en magasin pour qu’elles soient lavées puis réutilisées par les brasseurs) existe dans d’autres pays, comme la Belgique, mais il a été abandonné en France. Chez nous, ça s’est révélé très couteux et très difficile, parce que chaque bouteille a une forme différente et parce que les brasseries devaient investir dans des machines pour laver les bouteilles. En fait, « pour vraiment lancer l’éco-conception dans la filière brassicole, c’est  toute une filière qu’il faut développer, explique Alban Decoster, gérant de la brasserie Moulins d’Ascq. Il faut que la filière entière se coordonne et là ce sera vraiment possible d’avoir moins d’impact sur l’environnement à une échelle visible. ».
Et en pratique ?
Après la théorie, l’action ! Dans les Hauts de France, des brasseries sont déjà plus vertes. La brasserie Moulins d’Ascq a voulu axer sur l’agriculture bio. La petite brasserie de cinq personnes utilise des produits 100% bios depuis leur création. Cela n'est pas toujours facile. « Il y a parfois des produits bios dont on a besoin et qui ne se produisent pas près de chez nous, ajoute Alban Decoster. Par exemple, on importe notre sucre de jus de betteraves bio de Thailande.» Du côté des restaurants Les 3 Brasseurs, ils ont décidé de s’attaquer au problème de la bouteille de verre qui fait si mal à notre planète. La solution ? Ne pas mettre en bouteille. Chaque restaurant de la chaîne est composé d'une micro-brasserie et produit sa bière sur place. Résultat : pas besoin de distribuer, donc pas d’emballages.
Deux petites brasseries qui montrent que bière et écologie sont deux termes compatibles. Et cela ne fonctionne pas que pour les petites structures: Heineken s’est aussi lancé et ça marche ! L’entreprise a réduit le poids de ses bouteilles et utilise des ingrédients qui viennent tous de France (et elle ne s'arrête pas là). Une bière 100% made in France qui a du succès : elle est la plus vendue dans notre pays.
Marine Souxdorf - Université Libre de Bruxelles (Master Journalisme)